Voyager

"Ecrire et voyager, même histoire..."

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J'aimais les départs, surtout à l'aube, les fruits cueillis, les sourires d'inconnus, l'arrivée dans une ville au crépuscule, les nuits dehors, seule sous les étoiles, la mer, la mer dont je suis en exil. Et les citronniers en fleurs. On ne peut rien écrire sur les citronniers, juste les respirer.
Je rêvais, feuilletant l'atlas comme un recueil de poèmes. Comme on ouvre des portes. Terre de Feu, Ile-sous-le-Vent, désert de Gobi, les Grans Lacs, Vladivostock, la mer d'Ossian. Sur les cartes vertes, brunes et bleues, je me traçais au crayon des itinéraires possibles, pour plus tard. Tout pour plus tard, en ce temps-là. Les villes les montagnes et les îles. J'aimais les îles.

En ce temps-là j'étais encore en mon adolescence, à peine. Et je voulais partir seule sur les routes, avec du temps, beaucoup et peu d'argent, plutôt que le contraire. Peu de bagages : du papier, un bon stylo, un couteau pour ouvrir les coquillages, me tailler des baguettes, ôter les échardes, couper du pain, extraire des racines comestibles, déiauter des ananas... De bonnes chaussures, montantes, étanches, solides. Qui finalement pèseront lourd dans le sac et moi pieds légers, en espadrilles...
Des cartes, dures à trouver sur place mais si pratiques. J'aime le va-et-vient entre papier et vrai paysage, ça m'étonne toujours autant quand ça correspond. Exaltant, effrayant, d'avancer sans repère, sans repaire.

Ecrire et voyager, même histoire...
Dans le sac léger du départ vont s'accumuler rapidement bouts de ficelle toujours utiles, cailloux trop jolis. Quant aux coquillages, des heures à marcher le long de la mer, à tomber en extase, à ramasser les plus beaux, à en abandonner plein ; tri sévère, douloureux, allègre quand le sac devient trop lourd. Je sais bien qu'ensuite, ils perdent leur éclat, leur lumière. Et le temps le temps qui se dilate ou s'accélère.
J'aime les rupture d'espace-temps en avion, à la limite du réel. Mais pas les aéroports, dégringolade brutale. Décor de cauchemar familier, tableaux de chiffres impérieux et flous, qui me rappellent des souvenir de maths, genre Delta=B2 moins 4AC (assez!!) qu'il faut que je réduise à 0 pour trouver le bon guichet et l'avion qui va partir, vite!

Moi qui rêvais de traverser les frontières à pied, guettant signes annonciateurs, changements imperceptibles, odeurs nouvelles mais au lieu de ça, piétinements sur place, lenteur minutieuse des types à casquette, fouille du sac à dos, suspicion systématique. Visas d'entrée, de sortie. Des bouts de papier prennent pouvoir sur ma vie.
Ensuite, sur place, engloutie dans la chaleur humide, ne plus rien prévoir, et vivre chaque instant, en terre étrangère, parfaitement seule. Marcher tout au long de la mer, les frontières seraient de sable et d'eau, incertaines et sans importance, parmi les orchidées sauvages et les poissons multicolores. Regarder, goûter, respirer, improviser chaque instant.
Lise G.

Adresse : Italie

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